Shimenawa et Wara-Zaiku, tressages de moisson artisanaux en paille de riz 

Le riz, introduit au Japon au IVe siècle y jouit d’un statut exceptionnel. Aliment mythique, offert aux humains par les dieux dans leur chute providentielle sur Terre, il est devenu la base de tout un système alimentaire, mais aussi culturel. Tour à tour don divin, monnaie d’échange et marqueur social, sa culture et sa consommation rythment la vie des japonais.

Du temps des semis et des repiquages dans les rizières au printemps, à celui de la récolte en Septembre, les régions où il pousse ont conservé des traditions religieuses, festives et aussi artisanales liées à sa culture et notamment dans la région de Kyushu où se situe l’atelier Takubo, dont nous proposons chez Maison Godillot certaines créations. 

Là, dans la ville d’Hinogake près de Kumamoto, M. Yoichiro, représentant contemporain de ces traditions rurales, poursuit le travail traditionnel de tressage de cordes sacrées en paille de riz, le Shimenawa, dans l’atelier fondé par son grand-père il y a 60 ans. La proximité d’un temple lié aux mythes fondateurs explique sans doute l’importance et la persistance locale de cet artisanat si particulier qui, au-delà du sacré, s’est étendu à des objets votifs du quotidien ainsi qu’à des objets usuels. C’est cet art subtil, méconnu en occident, qui lie le monde des hommes à celui des esprits, mais aussi celui plus ancré dans le quotidien du Wara-Zaiku et des tressages votifs de moisson en paille de riz, que nous avions envie de vous faire découvrir.

Créer un lien avec le divin, contenir les esprits

Décembre est la pleine saison du tressage rituel des cordes Shimenawa. En effet, bientôt les anciens Shimenawa disposés dans les temples et lieux sacrés seront remplacés par de nouveaux lors des festivités du nouvel an.

Préservant symboliquement la pureté de ces lieux, ces tressages trouvent leur origine dans les mythes fondateurs et notamment l’histoire de la déesse Amaterasu, celle qui d’après son nom illumine littéralement le ciel, la déesse du soleil. La légende raconte que son jeune frère, Susanoo, dieux des tempêtes, s’étant livré à un déchainement de fureur, détruisant tout sur son passage, Amaterasu se réfugie dans une grotte située à Takachiho (Près d’Hinogake, où se trouvent aujourd’hui les ateliers Takubo) pour s’isoler du tumulte, faisant alors disparaitre le soleil qui laisse sa place aux ténèbres. Les dieux, voulant mettre un terme à ce chaos, se réunissent alors et organisent une fête à l’entrée de la grotte, destinée à faire sortir la déesse curieuse de sa cachette. Afin de l’empêcher de retourner dans sa tanière, ils en barrent l’entrée à l’aide d’un Shimenawa, qui agit dès lors comme un obstacle protecteur.

Ces cordages rituels ornent désormais les frontons des temples et les autels shinto, mais aussi des éléments de la nature, dont on pense qu’ils abritent des esprits, les kami, créant ainsi une protection mais aussi un lien entre les humains et les dieux. Un des exemples les plus célèbres dans la nature est probablement l’union des deux rochers de la baie d’Isé, représentants les époux divins Izanagi et Izanami (Le dieu Izanagi ayant donné naissance à la déesse Amatarasu et au dieu Susanoo) liés à jamais par un immense Shimenawa enroulé autour des deux rochers et tendu au-dessus de la mer.

Ce tressage rituel, dans lequel la paille de riz, une fois lavée et purifiée par l’eau est séchée, puis enroulée sur elle-même vers la droite et liée à un autre brin enroulé vers la gauche, offre aussi la base technique de tout un artisanat local grâce auquel sont produits des objets votifs mais aussi usuels.

Former des vœux pour les autres, nouer des liens

L’Art du tressage de paille de riz, ou Wara-Zaiku, est une pratique ancestrale totalement liée aux traditions agraires locales. Les producteurs de riz ont développé ce savoir-faire qui leur permettait aussi de trouver une source de revenu complémentaire pendant les périodes non productives. Ils utilisent pour cela le fruit de leur propre récolte et se transmettent les techniques de façon familiale. 

Utilisant les mêmes procédés de tressage qu’avec les cordes Shimenawa, les artisans créent des objets votifs qui trouvent cette fois leur place dans la maison et non plus dans des lieux sacrés. Ils tressent des amulettes zoomorphes destinées à faire bénéficier le foyer de leur protection symbolique. Aux animaux totémiques, telles les grues, qui apportent paix, chance et longévité, ou bien les tortues, sagesse et longévité, s’ajoutent des tressages noués complexes tels les nœuds Agemaki. Ces derniers, très anciens, puisent leur forme emblématique dans la mystique bouddhiste, le nœud symbolisant ici l’infini.

Les nœuds formant des signes auspicieux, sont très présents dans la culture populaire japonaise. Dénommés Musubi, ils illustrent la connexion entre les êtres, le lien qui se tisse au-delà de la continuité générationnelle, le « En » japonais. En s’échangeant ces amulettes aux nouages plus ou moins complexes, on signifie l’attachement que l’on porte à la destinée de l’autre et on partage au travers de ces symboles un sentiment qui s’exprime au-delà des mots.

Certains Musubi transmettront des vœux d’abondance des récoltes et plus généralement de bonne fortune, d’autres sont destinés à apporter l’harmonie, l’équilibre, l’amour, le bonheur familial, mais aussi la force ou encore l’espoir et la vitalité. Les tressages noués de paille de riz s’offriront en présents lors des occasions importantes de la vie, mariage, naissance, maladie, décès.

Mais l’art du Wara-Zaiku permet aussi la création d’objets usuels du quotidien beaux et durables.

Un art qui trouve sa place dans le quotidien

Qu’il s’agisse de dessous de plats destinés à être placés sous les cuiseurs Donabe en terre cuite, tels ces Nabeshiki ronds ou les Ume Musubi, en forme de fleur de prunier japonais, symbole du renouveau printanier, mais aussi de la beauté, la paille de riz tressée, à la fois souple et résistante à la chaleur, se révèle un matériau idéal pour la confection d’accessoires de cuisine. L’atelier traditionnel de Takubo propose d’ailleurs toute une série de paniers destinés à tenir le riz au chaud, dont la forme a aussi inspiré aux artisans de petits sièges ronds et une multitude d’objets décoratifs.

S’il reste un art local rare, maitrisé par très peu d’artisans, le tressage de moisson en paille de riz reste vivant dans la culture japonaise et évolue pour perdurer dans le quotidien et toucher un plus large public. Les origines sacrées, qui infusent le travail des artisans, emplissent ces objets d’une beauté et d’une émotion qui nous touchent, bien au-delà de ce que l’œil perçoit.

Photos : 

takachihogo-shiibayama-giahs.com

theoracleslibrary.com

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