Lanternes en papier : l’art de l’ombre et de la lumière

Les lanternes en papier sont dans notre imaginaire indissociables de la culture japonaise. Elles s’alignent en ribambelles colorées aux frontons des temples shinto, illuminent la nuit lors des nombreux festivals qui rythment la vie du Japon et baignent les foyers de leur douce lueur. L’équilibre entre ombre et lumière fait partie d’une recherche esthétique essentielle dans la culture japonaise. Les maisons décorées traditionnellement jouent de la captation et de la diffusion de rais lumineux, qui viendront mettre en valeur la laque des boiseries, tandis que certains décors, dont on souhaite préserver le caractère intime ou la patine, resteront dans l’obscurité. 

Apparues au XVIème siècle en provenance de la Chine, les lanternes en papier, ou Chõchin, sont rapidement rentrées dans les maisons et font partie du quotidien. Chez Maison Godillot nous avons choisi de vous en proposer une version alliant parfaitement tradition et modernité. Les lanternes nomades dessinées par Rina Ono sont équipées d’une petite lampe LED, mais réalisées en papier washi par l’une des fabriques fondées il y a 75 ans à Mino, dans la préfecture de Gifu, berceau du papier artisanal fait à la main, devenu par là même le haut lieu de la fabrication de lanternes.

Nous vous proposons d’en apprendre plus sur ces merveilleuses sources de lumière si emblématiques du Japon.

Se guider dans la nuit lors des voyages

Lors de leur introduction au Japon via la Chine au 16ème siècle, les Chõchin étaient rigides et se transportaient dans des boites en bois. Les voyageurs les utilisaient pour éclairer leur route lors des déplacements. Adoptées massivement, les lanternes ont été améliorées pour correspondre aux usages locaux. Elles deviennent tout d’abord pliables, dans une recherche de gain de place, souci qui sous-tend constamment la création d’objets au Japon. Ensuite, le manche sur lequel on les suspend pour voyager se modifie et devient plus solide. On le façonne en laiton ou en bambou et il acquiert un statut d’arme défensive lors de rencontres fortuites avec des attaquants. Les samouraïs développent même au 17ème siècle un art martial autour de l’utilisation du manche de lanterne. 

Si durant toute la période Edo (Du 16ème au 19ème Siècle) elles conservent leur usage nomade, elles sont aussi adoptées dans les cités où elles éclairent l’entrée des maisons de thé, les établissements des quartiers rouges, pour lesquels elles se parent de carmin, mais aussi les temples lors des parades et festivals.

La simplicité de l’alliance du papier washi et du bambou

Très versatiles, les lanternes ont rapidement fait leur chemin dans les foyers nippons où elles supplantent les chandeliers. Si à l’origine, de l’huile ou des bougies étaient placées à l’intérieur, l’électricité est venue les remplacer dès le début du 20ème siècle.

Les matériaux utilisés ont eux, très peu évolués depuis le 17ème. L’armature intérieure, à la fois souple et durable, est en bambou recouvert de papier washi.

Ce dernier est issu d’un processus de fabrication manuelle long et minutieux au cours duquel l’écorce de murier, le kozo, est mise à tremper avec du jus d’okras ou de racine d’hibiscus afin de lier les fibres entre elles. On plonge un tamis dans la pâte ainsi formée, en variant les inclinaisons pour obtenir des feuilles. Ce papier est à la fois délicat, avec une trame laissant encore paraitre par endroits les fibres du murier, mais aussi très résistant. La lumière filtrant au travers du washi est chaude et douce et il est traditionnellement utilisé en décoration pour la réalisation de panneaux qui tiennent lieu de fenêtres, les shôji.

Dans la ville de Mino, se trouvent encore des ateliers de papeterie, qui perpétuent la fabrication millénaire du précieux washi. C’est là que la manufacture Hayashi Kogei fabrique depuis le milieu du vingtième siècle du papier et des produits décoratifs réalisés en washi. La designer Rina Ono a été séduite par la beauté de leurs créations et comme d’autres avant elle, elle s’est penchée sur une réinterprétation de ces lanternes si familières. 

Une source d’inspiration renouvelée pour les créateurs

Dans son studio, Rinao Design, Rina Ono a pensé ses lampes en papier washi, qu’elles soient fixes comme ses plafonniers ou nomades comme ses lanternes Michiyuki-tou (feux de signalisation), non pas comme des lumières chatoyantes mais comme « des lumières qui semblent allumer de petits feux. »

L’idée de capturer l’essence solaire de la lumière et de lui fabriquer pour l’abriter de petits vaisseaux légers, comme suspendus dans les airs guide l’approche que les créateurs ont dans leur réinterprétation de ces lanternes en papier, si simples et pourtant totalement magiques.

On ne peut parler des Chõchin sans évoquer l’artiste et designer Isamu Noguchi (1904–1988), qui en 1951, inspiré par sa visite dans les ateliers de papeterie de Gifu, créera ses sculptures lumineuses, Akari (littéralement « lumière » ou « brillance ») qui seront éditées en lampes de tables, plafonniers et lampadaires par la maison Vitra. Ses lanternes sculpturales, jouent à plein de la plasticité du bambou et du papier et reprenant des formes astrales, elles semblent flotter dans l’espace une fois allumées.

Ainsi que le disait Isamu Noguchi « La magie du papier retransforme l'électricité froide en la lumière originelle afin que sa chaleur puisse continuer à remplir nos chambres la nuit. »

Photos : 

aquitaineonline.com

rinao.jp

noguchi.org

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