36ème Festival International de la Mode, Photographie et Accessoires d’Hyères 

36ème Festival International de la Mode, Photographie et Accessoires d’Hyères : Ce qui nous lie, ce que nous transmettons

Cette année, le festival International dédié à la Mode, la Photo et les Accessoires de mode a pleinement retrouvé le bouillonnement si inspirant qui le caractérise depuis sa création il y a 36 ans par Jean-Pierre Blanc. Après une année en demi-teinte pour cause de pandémie, qui aura tout de même vu la consécration du flamboyant créateur Belge Tom Van Der Borght et de sa collection conçue à partir d’éléments upcyclés, on est heureux de pouvoir de nouveau découvrir, échanger, s’émerveiller, en prendre plein les yeux et les oreilles, se nourrir des rencontres fortes et inattendues que le festival sait générer.

L’ouverture du festival au public depuis sa création est une opportunité que l’on ne rencontre nulle part ailleurs ; une véritable fenêtre sur un monde créatif difficilement accessible autrement, offert à tous et notamment au jeune public. Les enfants et ados qui participent dans le cours de l’année aux ateliers gratuits proposés par la Villa en Design, Architecture, Mode et Photographie à raison d’une fois par mois en petits groupes, animés par de jeunes lauréats des éditions passées, sont invités à assister aux défilés. Les plus grands participent bénévolement aux présentations en tant qu’habilleurs ; moments de joie et d’émerveillement, ambiance de fête et sentiment de fierté d’être là, au cœur du réacteur et de voir de si près les tenues prendre vie.

Ce lien avec l’enfance et ce souci de transmission aux générations futures, y compris en ce qui concerne les savoir-faire, nous parle énormément. Cette année il nous a semblé être particulièrement bien incarné par les tandems établis entre Designers et Artisans des maisons d’Arts de Chanel réunies sous la bannière du 19M pour un prix spécial.

Le festival c’est aussi une occasion de prendre le pouls de ce qui anime la génération créative montante. Bien souvent ce moment offre un focus et magnifie les préoccupations sociétales actuelles.

Si depuis quelques années, les questionnements autour de notre impact sur l’environnement, du dérèglement climatique et de ses conséquences humaines et environnementales sont devenus des sujets prégnants, on a vu cette année s’y associer une interrogation forte autour de ce qui nous lie au vivant et de ce que nous transmettons y compris dans le geste créatif.

Nous avons eu envie de vous parler de cette 36ème édition du festival et des créations qui nous ont touchés. 

Donner forme à la nature

Les bijoux imaginés pour le prix accessoire de mode Hermès par Rayna Amuro (Grand Prix du Public) offrent une belle illustration du travail à l’œuvre pour mettre en forme un élément naturel grâce aux techniques de bijouterie. Avec ses créations, Artificielles Organiques, bracelet manchette, bague deux doigts ou boucles d’oreilles en vannerie d’osier et argent, elle plie la matière, l’enroule sur elle-même et lui permet de suivre les courbes du corps. Une réflexion élégante sur nature et artifice, qui ici loin de s’opposer s’allient dans un assemblage de matériaux, l’osier et l’argent, qui se renouvellent perpétuellement l’un par une croissance rapide et l’autre par refontes successives, à l’infini. 

Conserver une trace du vivant

L’Artiste et créatrice de bijoux Violette Stehli confectionne de précieuses amulettes nées de vestiges organiques, coquilles, dents, os, glanés dans la nature et immortalisés dans l’or et l’argent grâce à la technique du moulage à la cire perdue.

Le familier, les dents du chat par exemple, côtoie ici le sauvage mystérieux dont on ne perçoit qu’une trace, une bribe et que l’on ne rencontrera peut-être jamais, mais qui cependant nous entoure. Elle matérialise ainsi une trace du vivant, créant des objets quasi chamaniques.

https://www.violettestehli.com

La joaillière Capucine Huguet (Grand Prix du Jury Accessoires de mode) a elle engagé un travail de mémoire en se plongeant dans l’étude de la fonte des glaces du Spitzberg avec un groupe d’éminents scientifiques qu’elle a accompagnés sur place lors de l’une de leurs expéditions en 2019.

Wahlenbergbreen mementos, la collection de bijoux qu’elle a imaginée à son retour illustre les différents états de la glace et le front changeant des immenses icebergs frappés par le réchauffement climatique.

Des bijoux conçus en or et argent recyclés et pierres précieuses traçables, qui véhiculent la mémoire de ces glaces appelées à disparaitre, elles qui emprisonnent en leur cœur les vestiges de notre histoire humaine sous forme de traces chimiques. Une mise en abime afin de se souvenir comme dans ces Memento Mori de la Renaissance, de l’éphémérité du vivant et du cycle perpétuel à l’œuvre.

https://www.capucineh.com

La maroquinière Manon Marcelot a elle choisit d’explorer le lien entre l’animal et l’homme, dans sa collection de sacs et accessoires, Cheptel. S’inspirant des objets liés à l’élevage des animaux destinés à être consommés et dont les peaux seront utilisées en maroquinerie.

Elle s’interroge : percevons-nous encore le lien entre ces sacs et accessoires beaux et colorés, l’animal dans toute sa noblesse et son éleveur ? Et elle offre en réponse une collection qui rend hommage aux liens qui unissent l’éleveur à ses bêtes, au soin qu’il prend de ces dernières pour assurer leur bien-être, garantissant par là même la qualité de sa production, visible jusque dans la beauté des peaux.

Enfance et renaissance

Le britannique Ifeanyi Okwuadi, qui s’est vu décerner le Grand Prix du Jury Première Vision pour sa collection homme nommée Take the toys from the boys a voulu rendre hommage aux femmes qui en pleine guerre froide, ont monté en 1981 un camp de fortune, démantelé en 2000, sur la base militaire de Greenham Common dans le Berkshire, pour protester contre l’installation sur le site de missiles à ogives nucléaires. Ce geste de résistance féministe et pacifiste, visant à protéger les générations futures a inspiré le jeune créateur dans la création de silhouettes masculines rappelant à la fois les uniformes scolaires britanniques, la tradition sartoriale de Savile Row et le vestiaire populaire des années 80, mêlant vêtements de travail et militaires. Il associe une belle maitrise des techniques de construction tailleur et une utilisation des tissus britanniques les plus classiques, tweed et tartan à des boutons, imprimés et décors faits de petits jouets en plastique. Les proportions de ses silhouettes renforcent l’hommage à l’enfance, en accentuant volontairement le contraste entre des bermudas courts et étroits et des vestes à l’ampleur généreuse et lorsqu’il collabore avec la Maison Lemarié, plumassiers et fleuristes, c’est pour réaliser un pull dont l’encolure et le bas sont crochetés de fils de scoubidou aux couleurs fluos ; ce fil plastique que les enfants transforment en macramés décoratifs,  tisse ici un lien avec la plus pure tradition de la couture française.

Adeline Rappaz, Prix du Public, a quant à elle recueilli d’innombrables chutes de tissu, de perles de boutons… autant d’éléments laissés pour compte, traces abandonnées de vêtements délaissés, qui au fil de son inspiration, de ses voyages dans des lieux désertés, se sont transformés en magnifiques pièces haute-couture qui composent sa collection, Le temps des rêves

Tous puisent dans une certaine nostalgie de ce qui a été, de ce que nous avons perdu, mais loin de baisser les bras et de juste vouloir figer l’image du passé, ils transforment ces vestiges, ces souvenirs et les subliment, prenant part à un cycle de transmission perpétuel ; l’essence même de la création.

Texte : Hélène Borderie

Photos :

@yurina.photographer

@capucinehuguetjewellery

@manonmarcelot

@villanoailles

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